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Un recueil sera édité en 2024

Le Camp de Rivesaltes

Ici, dedans est dehors

"Il y a un temps pour vivre et un temps pour témoigner de vivre."

Albert Camus - Noces à Tipasa

Créé en 1938 en tant que camp militaire, situé sur un terrain aride de 300 hectares, le Camp de Rivesaltes fut notamment un lieu de rétention et d'internement infligé à différentes communautés et populations civiles lors :

  • de la Guerre d'Espagne, pour 9.000 Républicains espagnols,

  • de la Seconde Guerre Mondiale, pour 6.500 Juifs et 1.300 Tsiganes,

  • de la Guerre d'Algérie, pour 21.000 Harkis.​

Albert Camus s’est largement engagé sur l’ensemble de ces causes :

  • concernant la Guerre d’Espagne : sensible à la cause des Républicains, il a inlassablement combattu le franquisme, notamment comme journaliste avec la parution de nombreux articles dans « Alger Républicain » et « Combat », ou la création de la pièce « Révolte dans les Asturies »,

  • concernant la Seconde Guerre Mondiale : luttant contre le fascisme et l’hitlérisme, il a été le rédacteur en chef du journal clandestin « Combat », a écrit « Lettres à un ami allemand »,

  • concernant la Guerre d’Algérie : dès 1939, révolté par les conditions de vie d’une partie de la population indigène, il publie dans « Alger Républicain » une série d’articles sous le titre « Misère de la Kabylie » afin d’éveiller les consciences. Lors d’un discours prononcé en 1956, il lancera son « Appel pour une trêve civile ».

En 1938, à 25 ans, Albert Camus publie "Noces", recueil d’essais constitués de 4 textes : « Noces à Tipasa », « Le vent à Djémila », "L'été à Alger" et "Le désert". L’auteur y alterne réflexion philosophique et description des paysages, qui se répondent en écho. Une ode au soleil et aux pierres, à la vie et à la mort, à la beauté et à la permanence.

Le Camp de Rivesaltes fut sauvé de la destruction en 1998.

Un Mémorial, réalisé par l’architecte Rudy Ricciotti, a été inauguré en 2015.

Le travail présenté ici est un témoignage de la trajectoire tragique de ces enfants, femmes et hommes contraints de vivre, et pour certains, de mourir sur ces terres.

Et un humble soutien à leurs descendances, porteuses par procuration de la souffrance de leurs ainés, dans le long et douloureux combat vers la justice et la vérité, thématiques éminemment camusiennes.

INTRODUCTION

La ruine nous fascine et nous pétrifie tout à la fois. Elle nous appelle et s'offre en miroir.

Recueil de mémoire, linceul de vie, elle aiguise au plus profond de nous l'imaginaire des origines.
En elle se trouve potentiellement un secret à découvrir, un mystère à percer, un objet à trouver.
On y cherche la clé d'une porte qui n'existe plus.

Alliance du minéral et du végétal, l'inerte et le vivant se parlent et communient : la ruine a vu passer la vie et en témoigne.

Une ruine, c'est à la fois la fin et le début, l'écroulement et le grandissement, la tragédie et l'espoir, le silence et le Verbe. Le père et le fils. La mère et l'enfant. Elle contient intrinsèquement la mort et la vie. Les traces sont partout, de l'éphémère à l'immuable. Une ruine incarne et signifie. Elle est cicatrice de surface. Elle est le visible et l'invisible. L'envers et l'endroit.

Parcourir les ruines, faire corps, s'imprégner de la force du lieu, intact, vierge de son vécu. Des murs, des toits, des sols vivants. Dont le repos horizontal ne signifie pas la fin.

La nature s'improvise contenant bienveillant. Arpenter ces terres arides, chercher l'ombre sous le soleil de midi, à la croisée des tensions, fait pénétrer dans sa chair la rouille du temps, le sang des briques, l'écrin végétal et la sève du ciel. En moi les mots, hors moi le paysage, la peau en interface des émotions, ivre de perceptions. Fondu enchainé.

L'homme est ici dépouillé, perméable. Ses propres ruines déversent dans le paysage. Tout lui parle. Il est au bord du trou noir, à l'horizon des évènements. Il vit dans la lumière.

"Ce qui compte, c'est la vérité. Et j'appelle vérité tout ce qui continue."

Albert Camus - Le désert

De parents nés en Algérie en 1945, rapatriés en France en 1962 (à Montpellier où ils se sont connus), Bruno Bérenguer voit le jour au Burundi en 1968. Il écrit et photographie sans formalisme ni régularité depuis l'âge de 16 ans (son père, grand admirateur d'Albert Camus, lui fait alors découvrir "Noces"). A partir de 2016, il décide de structurer sa démarche créative, notamment en se formant à l'INA en photographie et technique du numérique.

Il vit toute son enfance à Antibes (Alpes-Maritimes), entre mer et montagne, soleil et beauté, solitude et rêverie.

Très proche de son père et de ses grands-parents paternels, il passe tous ses étés en Espagne, à Algar près de Callosa d'en Sarria dans la région d'Alicante. Ce lieu devient son refuge, avec l'amour que lui porte sa grand-mère et une maison isolée et rudimentaire (pas d'eau courante, pas de vitres aux fenêtres) au sein d'un environnement paradisiaque et sauvage, terrain de jeu, d'aventures et d'imaginaire. Il y reviendra presque tous les ans (parfois seul sur de longues périodes pour y mener quelques retraites à des moments charnières de sa vie), et en fera l'acquisition en 2017.

Il baigne et se construit dans une complète culture méditerranéenne, entre France, Espagne et Algérie, où se mêlent l'Histoire des pays et l'histoire de famille, guerre d'Espagne et guerre d'Algérie, ruptures et exils, souffrance et bonheur, regards et silences, avec toujours au bout le soleil, la lumière, la mer, l'eau et le chant des chardonnerets.

Installé dans les Pyrénées-Orientales, c'est au début des années 2000 qu'il découvre par hasard l'existence et l'histoire du Camp de Rivesaltes. Il y revient plusieurs fois, fait ses premiers clichés et est marqué par la force du lieu et des émotions ambivalentes qu'il y ressent, une oppression envahissante l'obligeant parfois à écourter sa présence.

En 2006, son père, alors secrétaire de l'Association "Rencontres Méditerranéennes Albert Camus" à Lourmarin (Vaucluse), lui propose de l'accompagner pour un colloque organisé autour de l'écrivain en Algérie sur le site de Tipasa. Ils en profiteront pour y rester quelques temps afin de partager ce passé "omni-prégnant" et retrouver ensemble des lieux, des traces et un fantôme. Mouvement vibrant de transmission.

Son père décède en 2007.

Les années suivantes, doucement, germe et s'affirme en lui l'idée d'un tout, mêlant personnel et universel, Tipasa et Rivesaltes, ruines et soleil, souffrance et beauté.

En juin 2015, il réalise la série photographique présentée ici à laquelle il associe des extraits de "Noces" d'Albert Camus.

Bruno Bérenguer partage aujourd'hui son temps entre la France et l'Espagne.

Bruno Bérenguer Photographie

Biographie

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