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Courir entre les tombes

Quelle chance d'avoir eu un cimetière comme bac à sable.

S'est construit en ce lieu un regard bien loin de la matière noire.

Fascination de l'enfant découvrant, sans le savoir, univers initiatique, mystères symboliques, rituels, interdits, représentations et fantasmes. Un terrain de jeu plein, brassant émerveillement, questionnements, peurs, secrets, rires. Et les points-clés de l'existence : la vie, la mort et la beauté.

Les murs d'enceinte suscitent la frontière entre le profane et le sacré. Notre posture change malgré nous lors du passage. Rectitude et solennité. Larmes et sensualité. Vigilance et fou-rire.

J'y percevais déjà un état d'être profondément différent dès lors que je pénétrais cet espace de lumière, de nuit ou de pleine lune : perte de repères temporels, bouleversements sensoriels, accélération onirique et cardiaque.

Ils se passent bien des choses dans un cimetière, pour peu que l'on accueille et que l'on soit attentif. Instinct de vie décuplé, sens exacerbés. Pulsions, impulsions, pulsations. L'immobilité n'est trahie que par l'apparition d'une ride au creux d'une tombe.

Alignées ou anarchiques, côte-à-côte ou empilées, en terre ou en l'air.

Il y a celles visitées les yeux baissées, corps voûtés.

Et celles scrutées les yeux vers le ciel, corps transcendés.

Il faut une vie entière pour consumer les feux follets de l'innocence.

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