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  • Photo du rédacteurBruno

Conte de la bouteille de mer


Boire ton souffle endormi...


Tu savais que les rêves que l'on fait, les nôtres, ne peuvent se conserver que dans une petite bouteille de verre blanc poli. On en trouve parfois échouée sur une plage. Elle est alors très fragile, comme tout ce qu'on trouve ici, au bord de la mer. Cette ligne de partage entre deux mondes, c'est une frontière naturelle que l'on aime parcourir dans la longueur : personne ne sait vraiment pourquoi ; mais là, ne pas comprendre, c'est pas grave. Le plus important, c'est de le ressentir ; si on ne le ressent pas, c'est qu'il nous manque quelque chose.


Il faut alors vite trouver une plage de sable et courir.

S'arrêter, et regarder derrière soi ; compter ses empreintes : il en faut au moins cinq, comme le nombre de lettres du mot fondamental.

Ensuite, reprendre sa respiration, puis sa route, à la recherche du bâton de l'écriture, moitié canne, moitié encre. C'est toi qui le choisit, personne d'autre. Mais quand tu le verras, tu ne te poseras plus de question, il sera l'évidence.


Avec lui, tu écriras les mots de ta langue, ceux qui flottent à la surface, marqués au fer rouge sur les cellules de ton corps, à la surface de ta peau ; pour les reconnaître, tu verras, ils brûlent un peu quand on les prononce ; ils ont parfois du mal à sortir, engourdis qu'ils sont de tant de temps contenu.


Par exemple, ceux qui me viennent sont "amour", bien sûr, et puis "racine", "écho", "harmonie", "résonance","courbe", "transparence", "jardin", "source".


Si tu en as envie, tu peux les écrire sur le sable, "en bâton" ou "en attaché". Mais juste à l'endroit du sable mouillé, là où la mer va et vient : car il faut qu'elle puisse les emmener avec elle. La mer, elle aussi, a besoin de rêver. Les mots sont solubles dans l'eau salée, ça, il faut le savoir.


C'est comme ça qu'après, tu trouveras l'une de ces petites bouteilles en verre blanc poli. Il y en a toujours, mais on est pas toujours en mesure de les voir ; on a beau regarder, on ne les voit pas : c'est un mystère. Des fois même, on les entend mais impossible de les trouver. Comme avec les champignons.


Et puis un jour, deux étoiles de mer apparaîtront ; les grains de sable, silencieux jusque là, se mettront à parler. Si tu les écoutes, la « chasse au trésor » commencera et ne s'arrêtera plus jamais.


Sur le chemin, tu en croiseras plusieurs, de ces petites bouteilles en verre blanc poli.

Elles feront semblant de dormir.

Tu pourras alors les ouvrir, mais il faudra faire tout doucement : les couleurs des rêves s'oxydent très vite au contact de l'air.


...à la fontaine des rêves.


A Théo.


Photographie : Bruno B.

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