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Hommage à Robert Badinter

1981. Election de François Mitterand (mai), abolition de la peine de mort (septembre). De cette époque, mes souvenirs sont plus de l'ordre du ressenti, d'une "ambiance" à la maison. J'avais 12 ans. Je revois mon père heureux. Je l'étais donc.

Bruno Bérenguer Photographie, hommage à Robert Badinter

Je prenais le pouls de l'homme quelques années plus tard, j'avais 17 ans, avec "L'exécution" (sorti en 1973), manifeste de son combat contre la peine de mort et réflexions sur son métier d'avocat.

Chacune de ses apparitions me subjuguait, chacun de ses coups de gueule me fascinait : conscience morale, pensée juste et droite, éthique, sagesse, tout cela distillait en moi, forgeant un cadre puissant au plus profond, des repères, guidant mes pensées, pesant sur mes actes.


Bruno Bérenguer Photographie, hommage à Robert Badinter

Perdu parfois, sa parole à laquelle je revenais me permettait d'alimenter ma réflexion, d'orienter mon chemin, m'accompagnait dans le choix des options en posant des jalons, des balises, une boussole à la présence magnétique et à l'aiguille faisant régulièrement office de piqûre de rappel sur quelques fondamentaux : justice et laïcité permettant que s'exprime pleinement la devise de la République. Un maître à penser par moi-même, un mètre à panser la juste mesure.


Et puis le couple qu'il formait avec Elisabeth aura été un modèle. De l'image qu'ils pouvaient renvoyer, pilier l'un pour l'autre, libre individuellement, complices, l'épanouissement au bout du chemin de ces longues années partagées, chacun la lumière au fond des yeux, rayonnant autour d'eux, pudiques, phares dans ma nuit.

Elle, je la découvrais littérairement par "XY, De l'identité masculine" (1992), essai sur les notions de féminité et de virilité, sujets éminemment présents chez le jeune homme que j'étais, j'avais 24 ans. Forte impression.


Au hasard de la vie, leur présence discrète, permanente, inspirante. Je me souviens notamment de les avoir retrouvé dans une vieille malle en bois de brocante dominicale, tous les deux côte à côte sur la jaquette de "Condorcet" (1989) où le fond (la trajectoire d'un grand homme du 18ème siècle épris de justice et d'égalité, intellectuel engagé en politique) m'a semblé être sublimé par la forme, une création bicéphale et à 4 mains, fusion d'intelligence et d'érudition.


Il existe peu de personnes pour lesquelles je recherche la parole éclairante dans des contextes compliqués (sociétaux, géopolitiques, moraux, philosophiques), paroles faisant office de guide et de repères apaisants dans le chaos et le vacarme. Il était une force essentielle.


Sa parole était d'or, son silence sera de lumière.


Reste ses livres, poussière d'âme étoilée, que j'aime à savoir proche dans ma bibliothèque, classée alphabétiquement, et qui infusent à proximité de ceux de Bobin, Camus, Char et Cheng (94 ans, le dernier encore parmi nous).


Ce soir, je veille livres ouverts sur les piliers du temple.


A Robert Badinter, avec toute ma reconnaissance, mon respect et mon admiration pour l'oeuvre accomplie.

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