C'était là qu'il venait asseoir sa respiration au monde. C'était en fin d'après-midi, après des heures de soleil à faire entrer en terre. Il redonnait d'abord à son corps le goût des choses, par le collant de la figue fraîche, l'arôme d'un filet d'huile d'olive, la saveur d'une fine tranche de manchego. Puis il venait ajuster la verticale de sa silhouette hiératique à l'horizontale de son échelle à rêves. Cette échelle, c'est son père qui la lui avait construite quand il était petit. Pour atteindre les étoiles. "Les barreaux manquants", me lança-t-il un jour que je posais trop de questions, "c'est seulement l'ajustement des rêves au temps qui passe. Elle sera à toi quand je brillerai par mon absence." Je n'ai jamais osé m'en servir. Mais je ne veux pas que les rêves meurent. Je sais maintenant que je vais la décrocher du mur, remplacer les barreaux manquants, puis la donner à mon fils. Il pourra, lui, voir ce qu'il y a derrière le mur et me raconter.
Photographie : Bruno B.
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